Sachez que je n’attends rien de votre institution

Sur À l’ouest nous voulons être aussi un relais de tout ce qui peut inspirer nos luttes, c’est pourquoi nous partagerons les écrits du blog Bibliothèque Fahrenheit 451 qui propose des résumés et des analyses de différents livres.

« Retranscription du procès de L., le 6 juin 2017, arrêté lors de la manifestation du 18 février à Bure près de l’écothèque de l’Andra (Agence Nationale pour la gestion des déchets radioactifs), et inculpé de participation masquée à un attroupement, dégradation et rébellion.

L’accusé reproche à la police comme à la justice de « réprimer la conséquence, sans jamais chercher à en comprendre l’origine », rappelant que des déchets nucléaires de provenance européenne furent largués au large des côtes somaliennes poussant les petits pêcheurs à se lancer contre les cargos hors-la-loi. Ils ont alors été accusés de piraterie pour légitimer la répression sans jamais qu’en soit évoqué la cause. Il cite Thoreau et mêle malicieusement les propos de Ravachol aux siens : « Et bien messieurs, il n’y a plus de criminel à juger mais les causes du crime à détruire. Oui, je le répète, c’est la société qui fait les criminels et vous jurés, au lieu de les frapper, vous devriez employer votre intelligence et vos forces à transformer la société. Du coup, vous supprimeriez les crimes et votre oeuvre en s’attaquant aux causes serait plus grande et plus féconde. » Pour justifier la destruction d’une grille, il rappelle que vingt ans de lutte par des moyens légaux ont précédé, ne rencontrant que mépris total, et que le projet de barrage à Sivens était illégal et pourtant défendu par la force jusqu’à tuer quelqu’un. La colonisation comme l’apartheid étaient légaux et c’est parce que certains sont sortis du cadre légal que la société a pu évoluer. C’est pourquoi « le projet d’enfouissement des déchets nucléaires doit être freiné, entravé, saboté pour la légitime défense de la santé du sol, de l’air et de l’eau ».

Son avocate rappelle que le projet Cigéo prévoit 265 km de galeries souterraines, soit l’équivalent du métro parisien, 94 000 m2 d’installations de surface, 10 000 trains qui traverserons la France, pour un coût minimum de 35 milliards d’euros et une fermeture au bout de cent ans. L’Andra explique qu’il s’agit de la meilleure des solutions, tout comme elle l’affirmait déjà à propos du largage des fûts dans la Manche. Pourtant le centre de stockage des déchets radioactifs WIPP, au Nouveau-Mexique, beaucoup moins dangereux que celui de Bure, a déjà subit une explosion dans ses galeries, entrainant une montée de température à 1500 degrés et une réaction en chaîne, provoquant l’arrêt du projet et des coûts de réparations énormes. En Allemagne, un autre projet a été stoppé à cause d’infiltrations d’eau. L’écothèque résume parfaitement le cynisme de cette industrie : tandis qu’elle défrichait le bois Lejus, l’Andra y présentait une exposition sur la découverte de la forêt… avec des arbres en plastique ! À l’avocate de l’Andra qui rappelait le droit de manifester dans le respect de la loi, elle oppose la plainte pour défrichement illégal déposées le 22 juin 2016 et celle pour la construction du mur qui n’ont pas connu de suite, celle contre les violences commises par les vigiles sur les manifestants, classée sans suite. « Nous sommes dans la caricature d’une justice de classe. Tous les outils de l’État sont mis de la manière la plus caricaturale à disposition de l’Andra, alors même qu’elle enfreint l’État de droit. Alors que le premier qui devrait respecter les lois, c’est l’État. » Au sujet de la clôture endommagée, elle défend un geste collectif pour « chasser les marchands du temple de la vie ; arrêter l’approfondissement du désastre, arrêter le progrès de la destruction ». « La vie a tous les droits, à commencer par détruire ce qui la menace. » Ce que l’accusé confirme : « Détruire ce projet relève de l’intérêt général. »

Ce document éloquent mérite d’être amplement diffusé pour la quantité et la pertinence des informations et des arguments développés en quelques pages, et l’assurance oratoire qui les porte. Exemple édifiant de l’actuelle répression des mouvements sociaux. »

SACHEZ QUE JE N’ATTENDS RIEN DE VOTRE INSTITUTION
Déclarations d’un ami saboteur devant la cour chargée de le juger
58 pages – 10 euros.
Vendu au profit des inculpé.e.s de Bure
Éditions Orage Papier – Paris – Novembre 2018
oragepapier.com

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